Arras Film Festival (Artiste Associé) Le Manoir de la peur - A. Machin

Le 07/11/2023 de 19:00 à 20:30

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Ciné Concert : Jacques Cambra, écriture, piano et direction de
l'Ensemble Ciné Concert du Conservatoire de 1° degré (Supérieur)


CINE CONCERTS - ESPACE ATELIER


Le Manoir de la peur - Alfred Machin (Photo collection CNC)

Mais qui donc est le mystérieux homme en noir qui débarque un soir de fête dans ce petit village provençal où jusque lors, la vie s'écoule paisible et douce, troublée seulement par les histoires de fantômes et de revenants que les grands-mères racontent aux petits enfants ? 
A peine ses quartiers pris dans le manoir vide situé derrière le cimetière, l’inquiétant étranger, flanqué de son troublant (caligaresque même) serviteur provoque immédiatement la suspicion de la population. D’autant que dès son arrivée ou presque, une série de forfaits et de troubles commence à se produire chaque nuit : maisons marquées par des signes mystérieux, cambriolages violents où des ombres attaquent, allant jusqu’à provoquer une “morte de peur” parmi la population... Alors, Satan est évoqué ! Et la crainte, qui se transforme en terreur hallucinatoire, gagne tout le village… Voilà pour l’histoire.
Mais ce résumé pourtant fidèle, ne donne assurément pas la mesure de ce film unique où plusieurs genres ont l’air de se marier sans en avoir l’air : Film fantastique certainement, avec des décors hallucinés, un soin extrême porté aux cadrages, à la photo, à la lumière. Avec aussi l’irruption de personnages inquiétants qui nous transportent dans le monde parallèle des inquiétudes irraisonnées, terre d’élection habituelle des expressionnistes allemands. Film policier sans aucun doute, avec une enquête qui, de faux coupables en faux coupables, balade les personnages toujours plus loin de l’illicite perturbateur (sans pour autant tromper le spectateur). Film pittoresque aussi, où les images captent avec un réalisme certain les gens ou la nature. Film d’Aventures enfin, avec la longue et spectaculaire scène ferroviaire qui amène le dénouement ! 
Mais ce n’est pas tout ! Une dimension très personnelle, incompatible au premier abord avec les genres précités, éclaire ce film. En effet, depuis ses débuts en Afrique vers 1908, Machin a pris l’habitude d’intégrer à sa troupe une catégorie de comédiens hors-normes, qu’il a su diriger avec une étonnante maestria : les animaux-acteurs ! Dans le manoir de la peur, la réussite est complète et je me demande toujours si le véritable personnage principal n’est pas celui qui apparaît sous les traits d’Auguste le chimpanzé. 

Ainsi, Alfred Machin, qui porte “ un nom banal pour une personnalité extraordinaire” n’invite pas à enfermer ses œuvres dans des  catégories trop étroites : comme Madame Babylas aime les animaux (1911), Maudite soit la guerre (1914), ou encore le stupéfiant Bêtes comme les hommes (1922). Ce sont des films de Machin, voilà tout !


Coda musicale. Et on s’en doutera ! Quel bonheur pour des musiciens de bâtir le décor sonore d’un tel film (muet par bonheur), où tonalité, atonalité, recherche de timbres, d’harmonies claires ou grinçantes, de rythmes simples ou complexes ne demandent qu’à s’en donner à cœur joie pour accompagner musicalement les spectateurs d’aujourd’hui dans cette profusion diverse et pourtant contenue dans la solide unité d’un film unique, à tous points de vue.

Jacques Cambra

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